29 oct. 2010

Noire-Neige et les Sept Nains


 


Imaginons que nous sommes dans un bon vieux Disney. Je suis Noire-Neige (eh oui, il ne peut en être autrement et les antithèses me plaisent bien). Dans mes pérégrinations éducatives et les royaumes pédagogiques que je visiterais, je serais amenée à rencontrer une Sorcière (mais cela fera l'objet d'un autre article, patience!) mais aussi et surtout Sept Nains, sept personnalités bien distinctes qui font tout le charme de l'histoire... ou pas:

1- Le Padre ou la Madre: il s'agit le plus souvent du prof chevronné, du baroudeur averti, aux mille et une mutations. Celui qui connaît le système en long, en large et en travers. Il se fera une joie de t'en expliquer les rouages. Il se risquera souvent à te prodiguer conseils en tous genres et mises en garde de toutes sortes. Pour lui qui a roulé sa bosse et qui n'a plus beaucoup d'illusions, tu es une bouffée d'air frais, un vent de fraîcheur dans son monde naphtaliné. Il aime ton ingénuité. Il s'en joue. Il te sort des plaisanteries et des calembours dont seuls lui et les natifs d'au moins 1965 peuvent saisir la teneur (souvent ses propos revêtent un caractère sexuel, mais tu es bien trop jeune pour le comprendre - du moins, tu fais semblant). S'il est pépé... euh, P.P.* de ta classe de quatrième agitée, estime-toi heureuse, car même s'il te fait gentillemnt sentir que tu lui arrives à la cheville, il fera tout pour sauver la face de la jeune ingénue que tu es... L'autorité dont il se drape irrite souvent certains de ses collègues et des escarmouches peuvent s'ensuivre, mais ça, c'est une autre histoire.

nda: il s'agit d'une espèce en voie de disparition, mais susceptible de connaître un essor prochain grâce à la Réforme des Retraites. A la bonne heure!

2- Le Baba Cool: vestige des années yéyé, ce specimen abonde dans certaines salles des profs. Il se déplace souvent écharpe (rouge, multicolore, voire rose - véridique) au cou, sourire béat aux lèvres et dégueule sa joie de vivre dans les couloirs et dans la salle des profs. Cher lecteur, ne te laisse pas tromper par le caractère acerbe de ce portrait: je m'entiche facilement de ce genre de personnages sans lesquels le quotidien serait bien morose. Tiens, en conseil de classe, le Baba Cool ponctue toutes ses interventions d'un trait d'humour dont la délicatesse en ravit plus d'un et parfois irrite certains (notamment le chef d'établissement... hum). Le Baba Cool est souvent un prof d'Arts Plasqtiques, d'Anglais ou de Français (mais rarement un prof de maths ou de physiques, soyons clairs), il mange bio et bien sûr il a fait Mai 68!

3- Jean Blaguin: les adeptes du SAV savent à quoi je fais allusion. Jean Blaguin, c'est le prof dont le passe-temps favori est le jeu de mot à gogo. Jean Blaguin sévit dans les lycées et les collèges de France et de Navarre. Jean Blaguin blague et il veut que tout le monde le sache. Jean Blaguin est facilement reconnaissable. Salle des profs. Pause déjeuner. Une dizaine de profs sont réunis autour d'une table. Ils ont fini de se substanter. Ils ont une conversation animée sur les bébés (si l'auditoire est à majorité féminin) ou sur le climat politique actuel. Au bout de la table, un homme est assis, un bras sur l'autre; ce même bras dont la main caresse des lèvres pincés. Les yeux sont rivés sur un coin de table. L'air est sérieux. Cet homme, c'est Jean Blaguin qui s'apprête à frapper. Cela fait maintenant 1 mins et 34 secondes que Jean Blaguin, J.B. pour les intimes, le rumine son jeu de mot. Et là sous les yeux ébahis du public, il lâche son jeu de mot qu'il a soigneusement enrobé de cynisme ou d'humour noir, voire scabreux. Deux réactions sont alors possibles: la consternation mêlée d'un pointe d'agacement ou d'un soupçon de pitié, pour les blasés. OU le rire frénétique et irrépressible,précédé de deux ou trois secondes de consternation, pour l'ingénu. Avec moi, Jean Blaguin a un public conquis d'avance, pour sûr! Note qu'il s'agit le plus souvent un prof de maths, de physique, voire d'histoire-géo et qu'il a souvent l'échine courbée par le poids de son humour.

4- Le Prof Parfait: Le prof parfait est agaçant. Il sait tout, fait tout, réussit tout, partout, tout le temps. Le Prof parfait ou pp (car il est souvent P.P.*, en plus; orthographié ici avec des minuscules, car je le laisse s'attribuer les majuscules tout seul). Le pp, donc, est peu modeste: il se fait sa propre réclame et tient à faire savoir à ses collègues à quel point il est tellement meilleur qu'eux. C'est d'ailleurs pour cela que je ne m'étendrai pas sur son cas. Ses élèves (selon lui, du moins) le vénèrent et se battraient pour aller en cours avec lui. Tu ne sais pas te servir du T.B.I.*? Le prof parfait, lui, il sait! La 4ème H t'épuise? Le pp, lui, il la trouve géniale et c'est réciproque. Tu es claqué le 18 décembre à 15h45? Le pp, lui, il en redemande car il aiiiiiiiiime son métier. Le pp, c'est surtout celui qui n'a rien d'autre à faire dans la vie ou dont l'horizon intellectuel et culturel est assez limité (oui, oui, c'est paradoxalement souvent le cas). Pour lui, l'enseignement et la clé de voûte de l'existence. Il y croit tellement, que tous ceux qui l'entourent y croient aussi. Même toi, tu vas finir par y croire.

5 a - Le Grincheux: il en faut! Et dans l'éducation nationale, il y en a! La question est de savoir si le grincheux est grincheux de nature ou s'il a acquis sa "grinchite" aiguë avec le temps et au contact des "apprenants". Souvent, il s'agit d'une condition qui s'acquiert avec le temps. Le grincheux n'est jamais content; il ponctue toutes ses interventions d'une pique; il injurie les élèves copieusement (en salle des profs, pour éviter le procès, quand même; grincheux mais pas téméraire) et parfois même il n'épargne pas ses "chers collègues et néammoins amis". Il entre sans saluer. Sort en claquant la porte. Mais le grincheux a une qualité: dans son cours, c'est le calme plat. Le public a su s'adapter et sachant ce qu'il encourt, il préfère reporter son défoulement à plus tard (de préférence pendant le cours de la stagiaire, celle qui ne sait même pas crier). C'est bien pour cela que le statut de Grincheux me tente bien. Lui au moins, il a la paix.

Mais il y a une sous-catégorie au Grincheux: 5 b- Le dépessif. Attention! Un moment d'émotion va suivre. Souvent le Grincheux cache un dépressif en devenir; celui à qui le système ne convient plus; celui qui se sent persécuté; celui qui se mue peu à peu en fantôme et dont tout le monde sent bien qu'il va bientôt craquer, mais pour qui personne ne fait rien; celui dont la voix peut sembler lente, paresseuse, mais qui en réalité étouffe un sanglot à chaque propos; celui qui ne fait même plus d'effort pour être présentable, qui traîne sa douleur d'être prof en même temps que son cartable chargé d'aigreur et de regrets. Aigreur et regrets alourdissent son corps et il finira certainement par craquer. Ce prof, je le comprends tellement, même si la plupart du temps les jeunes loups ont la dent dure et préfèrent croire que tout ce qui lui arrive lui est entièrement imputable. C'est aussi pour celui-là que nous autres TZR* oeuvrons dans la plus grande précarité. Ils sont notre fond de commerce, à mon grand regret.

6- Mère Courage et ses enfants: elle en a trois (une famille nombreuse, en France... une ébauche de famille en Afrique). L'aînée fait de la danse les lundis et vendredis après-midi, le benjamin fait de l'escrime le mercredi. Quant au cadet, il adore dessiner sur les copies de  sa maman de temps en temps. En parlant de dessin, elle met régulèrement sur le panneau d'affichage les croûtes de sa progéniture. Elle va même jusqu'à les amener certains après-midi, ce qui provoque, bien sûr, chez les élèves comme chez les profs (moi y compris), une salve de "oooooooh! comme il est mignon!" Elle fait partie du fameux gang des mères pas très anonymes qui égayent nos déjeuners de leurs histoires d'accouchement, d'alaitement, de "popos" ou de nounou. Elles polluent notre atmosphère de leur mièvres considérations maternelles. Et surtout, pour tout TZR, elles rappellent que si nous changeons d'établissement tous les trois mois, c'est pour qu'elles puissent accoucher, allaiter et pouponner leurs petits trésors en paix. Vive la mternité!

nb: une fois de plus, le caractère acerbe de cette description cache la réelle admiration que j'ai pour ces femmes qui savent jongler avec tant de choses! Mais zut quand même!


7- Sssssssexy Teach' (oui je sais, c'est nul, mais j'assume!): Il fallait terminer en beauté. Il y a deux variantes de Sexy Teach': la Sexy Teach Light et la Sexy Teach Gratinée. Ce qui vaut pour la première vaut pour la seconde, mais l'inverse n'est pas vrai. Il n'y a pas de mal être une Sexy Teach' Light. Sexy Teach' Light ne se laisse pas aller, bien au contraire. Sexy Teach' Light, tu ne la verras jamais arborer la même tenue deux fois dans la même semaine. Sexy Teach' Light ose tout: le slim, les talons, la jupe, le décolleté. Sexy Teach' Light fait le bonheur de son entourage masculin et oripille la gent féminine. Mais Sexy Teach' Light assume. Sexy Teach' Light, c'est la Barbie girl de l'Education Nationale, en plus trash, parfois. Oui, parfois, Sexy Teach' tombe du côté vulgaire de la force glamour. Et c'est là que Sexy Teach' Gratinée fait son apparition. Là où je vis, elle a les lèvres cernées de crayon, le mascara alourdit ses longs cils et des talons vertigineux viennent agrémenter sa silhouette généreuse. Elle ose la firrrrrrrire (fourrure); un jean ultra moulant entrave le moindre de ses mouvements langoureux (au point que tu lui mates le derrière en te demandant si ses élèves arrivent à se concentrer en notant la trace écrite*). Là où je travaille Sexy Teach' Gratinée a un rire tout aussi gratiné: un tiers sorcière, un tiers Eva Longoria, et le reste, Zahia. Un rire qui défraie la chronique, lorsqu'entourée de messieurs envoûtés, elle se fait payer une barre chocolatée à la machine. Sexy Teach' Gratinée déconcerte ses collègues; même Sexy Teach' Light est dépassée mais elle oublie qu'avec Sexy Teach Gratinée dans les parages, la tenue la plus osée passe inapperçue. Eh oui! Sexy Teach' Gratinée flirte avec un collègue, un surveillant, un parent d'élève, une chaise, un tableau? Oh! Et puis,  temps que ce n'est pas un élève...! Sexy Teach' Gratinée est SSSSSSEXY, et puis c'est tout!

Quant à moi, je ne saurais classer. Je sais, ce n'est pas du jeu. Mais qu'y puis-je, voyons?! Je te rappelle que je suis Noire-Neige: je suis un peu de tout et un peu de rien. Pour l'instant, du moins.

Mais dis-moi, connais-tu d'autres styles de profs? Lesquels préfères-tu? Dis-moi tout, je suis toute ouïe.



Contrairement à ce que je préconise à mes élèves, je ne me suis pas relue. Même les profs font des fautes. Sois donc indulgent, lecteur bien-aimé.

26 oct. 2010

Nouvelles résolutions


Je sais, nous ne somme pas le 31 décembre, minuit. Mais que voulez-vous? je suis décalée, un point c'est tout. Voilà, j'ai pris de nouvelles résolutions. Et elles concernent exclusivement ce blog. Parce que ma vie est un tel chantier que j'ai abandonné l'idée de formuler quelque résolution que ce soit la concernant.



J'ai décidé d'être plus assidue. Cela fait maintenant quatre mois que je n'ai rien posté. C'est un scandale voyons!



J'ai décidé de faire les choses bien. Mais décider est une chose; y arriver: n'en parlons pas! Pour ce faire, je me suis lancée dans la confection d'une nouvelle banière. Un scandale, là aussi! Je ne suis pas une fille méticuleuse. Alors, faire des photos, "les retoucher" (les guillements sont à traduire par 'faire semblant de'), "les agencer", décider de la bonne couleur, s'arranger avec Blogger... c'est tout simplement ENORME pour moi. Tout ça pour finir par constater, au bout de minutes de dur labeur, que j'ai fait une faute d'orthographe! (Saurais-tu la trouver, public en délire?). Belle publicité pour un blog de prOf ! Belle leçon pour la perfectioniste que je suis (Oui, oui, je vois ta moue dubitative, mais oui, on peut être perfectionniste et pas méticuleuse pour un sou... Si si, ça arrive... qu'à moi bien sûr, mais ça arrive quand même).



Mais à la réflexion, le nouveau titre n'est-il pas "Une prOf particulière"? Je suis donc "particulière": je suis une prOf qui se permet l'étourderie et le manque de rigueur. Ben voilà! Je la tiens mon excuse pour ne pas tout recommencer!



Et enfin, les considérations esthétiques enfin dépassées (mais n'étant toujours pas satisfaite, au passage), j'ai décidé d'exposer ici toutes les anecdotes dont mon métier regorge. Toutes, j'ai dit! (On attire le chaland comme on peut, sur cette foutue blogosphère saturée)



Sur ce, je te laisse et te donne rendez-vous pour de nouvelles aventures (... enfin, quand j'aurai le temps...)

21 juin 2010

Le lycée.


J’ai enfin été appelée par mon employeur. J’ai atterri dans un lycée. Ce fut stressant mais drôle. J’ai eu des terminales, des STG et une seconde déjantée mais dans l’ensemble je m’en suis bien sortie. Il faut dire que je me suis vite retrouvée à ne rien faire : ils sont allés réviser, ces petits de terminale tous stressés et les autres sont allés à la plage une fois leurs conseils de classe terminés. Pas moyen de les retenir, même avec un film! Les traditions se perdent, croyez-moi! Oui, oui! Finis les Eastpaks. Dorénavant c'est petite besace en cuir pour ces messieurs et Longchamp pour ces demoiselles. J'ai rangé le mien!


Revenons-en aux conseils de classe ! Ils ont le don de me transformer en potiche. C’est une torture. Le TZR arrive comme un cheveu sur la soupe et on lui demande de participer à cet événement important (surtout en fin d’année, surtout au lycée) et d’aider ses collègues (dont il ne connaît à peine les prénoms et les matières) à statuer sur le cas d’untel ou d’untel et à décider de leur avenir. C’est terrible : je m’endors, puis je me réveille en sursaut lorsque le proviseur écorche mon nom et prétend me demander mon avis sur un élève dont le nom ne me dit rien. « (C’est qui lui là déjà ?) Très bon niveau et excellente participation à l’oral ! (Mince pourquoi les délégués sont là ?!!!! » Ils savent que je dis n’importe quoi !)». Ils sont drôles dans l’Education Nationale !

Mais le lycée a aussi ses bons côtés. Et ils sont en totale contradiction avec le post précédent.

Bon, d'accord,  il y a des profs qui me regardent de travers quand je fais des photocopies. Ils doivent être un peu pingres, ici. Heureusement, dans mon lycée, il y a une cafète pour se consoler un peu. Le proprio m’a tout de suite tutoyée. « Finalement, sympa l’ambiance ici, on se tutoie d’entrée de jeu ! J’aime ! ». Sa fille me tutoie : « Tu veux une paille ? » - « Elle n’est pas gênée, celle-ci ! ». Son fils me reluque. « Ah ! Ils sont spéciaux dans la famille ! ».

Dans mon lycée, il y a un CDI (oui, oui ! un CDI !). Il y a une entrée pour les profs. Un collègue me l’indique. Je m’y engouffre et descends les marches avec le même aplomb qu’une star de festival. Je me dirige vers le bureau de ma collègue documentaliste et arbore mon plus beau sourire.

« - Bonj…

- T’es entrée comment ?

- Par en haut… (aaahhh… ils ont vraiment le tutoiement facile par ici…)

- Et alors ?!

- Bbben…

- C’est un professeur qui t’a ouvert !?

- Euh…» Je me penche vers elle, histoire de ménager le suspense, un rictus se dessine sur mes lèvres et je lui chuchotte avec délectation: « Je suis professeur ».

Je vous épargne et lui épargne la longue séance d’excuses et d’auto-flagellation à laquelle elle s’est livrée.

Dans mon lycée, il y a un secrétariat (sans déc !). Et la secrétaire a la vingtaine. Je frappe à la porte, j’entre et je me lance :

« - Bonjour ! (je sais, je suis très polie comme fille). Je viens pour récupérer la liste de textes pour le bac L.

- Ah… et pourquoi ? C’est un document officiel, je n’ai pas le droit de le donner à n’importe qui!

- Mais j’en ai besoin pour la remplir…

- Pas question ! Qui t’envoie ?

- Un collègue.»
Et là on sent une pointe de déconcertement qui se mue rapidement en condescendance : elle se dit que les jeunes ne savent décidément plus parler le Français ! ‘Un collègue ? Un camarade, voyons !’. Elle s’apprête à bondir…

Heureusement pour elle, sa COLLEGUE vole à son secours :

« C’est un nouveau professeur, Audrey ! Vous êtes la remplaçante de Mme S., n’est-ce pas ?! Veuillez l’excuser ! »

Et là, la fille devient pâle et entre nous, elle a l’air con !

Ah.

Donc Thierry de la cafète et sa progéniture m’avaient aussi prise pour une élève ! Et ces regards réprobateurs à la photocop, c’était parce qu’on m’avait prise pour une élève effrontée qui osait se servir du matériel réservé à l’administration. Une collègue est d’ailleurs venue s’en excuser le lendemain.

Bref, j’aime le lycée. On peut faire des blagues à ses collègues et au personnel. On passe pour une pauvre jeune qui va se faire bouffer par les élèves.

Je pourrais vous parler du sentiment d’être valorisée et de faire son travail… enfin. De la possibilité d’échanger avec ses élèves et de pousser la réflexion. Des cours passés assise derrière un bureau (sauf pour la seconde). Des fins de journée sans courbatures, ni insultes, ni bleus à l’âme. Mais ça ne serait pas drôle, n’est-ce pas ?

Les cours sont finis. Demain, c’est surveillance du bac ! La suite au prochain épisode…

14 mai 2010

«Bonjour, Madame ! », « Oui, Madame ! », « Merci, Madame ! », « Aurevoir, Madame ! » ☠ « Ta geuuuule, connasse ! »



Le sujet abordé dans ce post est très sensible, en tout cas pour les jeunes femmes de mon âge, en tout cas pour moi....

Ca a commencé il y a deux ans. J’avais 25 ans et j’ai commencé à recevoir mes premiers « Madame » dans la gueule. [Oui, je vais parsemer mon propos d’un tas de grossièretés parce que le sujet m’irrite fortement, alors d’avance, pardon]. La première fois, j’ai été choquée, j’ai pensé à une erreur. Jusque là, tout allait bien, une nana zélée qui veut traiter la cliente comme il se doit et qui pour ce faire use sans modération de tournures de politesse et de « Madame » mal placés. Et puis, en devenant prof, les  "Madame" se sont multipliés. Bien sûr il y a eu ceux de mes élèves mais ils étaient dits avec tant d’ironie que je ne m’y attardais pas. Non, non, les « Madame » qui irritent, c’est ceux que vous glissent les commerçants (surtout les commerçantes, en fait), les guichetières de la SNCF et autres agents administratifs. Ils semblent anodins ces « Madame » mais ils ont le don de me gâcher la journée, la vie, tout court.

Par exemple, je sors de chez moi, fière de moi (c’est rare !) et prête à sourire à tout venant, j’entre dans un magasin pour répandre ma joie et l’amour que je porte à mon prochain et là… c’est le drame : « Bonjour Madame, je peux vous aider? ». J’oublie instantanément tous mes bons sentiments et me transforme en « dame » revêche qui en veut à la Terre entière : « Non, ça ira ! », rétorqué-je avec toute la hargne que je suis capable de manifester. Je sors, la tête haute, en me disant « c’est une erreur, voyons ! » et là, un mendiant geint « Sivioupiez, Madame ». Sans me vanter je donne l’aumône facilement, mais un « Madame » me fait cogiter quelques instants avant d’offrir le moindre de mes deniers!!! [mais c’est hOrrible ce que je raconte !]. C’est dire !

Je préfèrerais donc une grosse claque dans la gueule plutôt que de m’entendre dire « Madame » . « Madame » me fait sentir vieille conne et moche et me donne envie de rentrer chez moi immédiatement ! Je développe donc une multitude de subterfuges pour signaler à mes interlocuteurs que je ne suis pas ce qu’ils croient, et ce avant qu’ils sévissent : voix plus aigüe, contact visuel, épaules en-dedans [on en est là !]. Ca fonctionne, mais parfois je récolte quand même le « Madame » que je redoute tant.

« Mais qu’est-ce qui te dérange ? Tu as 27 ans Profetlors ! »

Oui, mais j’appartiens à une génération portée sur l'hédonisme [tout de suite les grands mots !]. Les natifs des années 80 sont de grands enfants, non ? Bien sûr, je connais quelques personnes qui assument leur statut d’adulte, mais j’en connais aussi beaucoup qui sont d’éternels ados, qui écoutent de la musique de djeuns, parlent comme des djeuns, et s’habillent comme des djeuns. Mon entrée dans la blogosphère me l’a d’ailleurs confirmé et je me sens beaucoup moins seule d’ailleurs... (merci les filles !) Et lorsqu’une connasse de 22 ans se permet de me ranger du côté da-dame de la féminité, j’ai juste envie de la prier de se la fermer ! [je vous avais prévenus, je suis trèèèès remontée]. J’ai l’impression que je n’ai plus le droit d’être cool et légère et qu’on veut m’obliger à grandir. Eh ben, noooon, je fais ce que je veux ! J’ai envie de taper dans la converse, le slim destroy, l’ipOd à donf, le « j’avoue » et l'incontournable frange, voire le serre-tête girly … pendant encore longtemps, quitte à être ridicule. Le principe c’est d’être en adéquation avec ce qu’on a au fond de soi, non ?! On ne va pas se forcer non plus !

Le paradoxe dans tout ça, c’est que les personnes de mon âge et les plus âgées hallucinent toujours quand je leur dis que j’ai 27 ans : « Nooooon ?! Tu fais plus jeune ! ». Et mes élèves : « vous avez quel âge, Madame ? »; ou quand ils ont doués d'une certaine finesse [ce qui est rare, soyons clairs!]: "Hello! How OLD are you?!". Et ce fut pire quand j’en ai chopé un entrain d’utiliser une sonnerie ultrason !!!! [Mais qu’est-ce qui m’a pris de relever ça, aussi !?] C’est à n’y rien comprendre et je te sens perdu (e ) d’ailleurs, lecteur !

Tout ça pour te dire, bien cher lecteur, qu’on nous bassine avec l’adolescence et ses turpitudes, mais personne ne s’émeut de ce qu’endure le jeune adulte, l’adolescent attardé qui ne veut pas lâcher les totems de la jeunesse mais qui se bat quand même pour être considéré comme un individu responsable et socialement inséré ; l’adulescent qui ne sait pas où se situer, quoi !.

Mais et toi, lecteur ? Te sens-tu incompris ? Et toi, lectrice, te sens-tu agressée lorsqu’on t’adresse un « Madame » ? Ou fais-tu partie de celles et ceux qui balancent des « Madame » intempestivement et impunément !? Dis-moi tout !

9 mai 2010

du conformisme en Education


Pour être prOf, chers amis, il faut être dans la norme. Un prof, c'est avant tout un être "normal", une image d'Epinal incarnée...oui...

...sauf moi!

Allons bon, qui aurait l'idée d'être prof alors qu'il est Noir?! Bon, d'accord, on en voit des profs noirs! Oui mais, oui mais... dans les ZEP, chers amis! Dans les campagnes ou dans le Sud (dont les habitants sont bien connus pour leur goût immodéré pour l'Etranger... ah les clichés... allez, j'arrête!) il n'est pas aisé d'être prof ET Noir! C'est ou l'un, ou l'autre! J'aime penser que ce que vivent les Jean-Michel et les Julie dans le 9-3 est similaire à ce que vit Mamadou ou Fatma dans le Gers ou à Brignoles: une réaction de rejet, une défiance constante, d'une part, et un besoin permanent de se faire accepter et de prouver sa légitimité, de l’autre.


Première année: collège huppé, bourgeois; un élève entreprend de m'imiter avec un accent petit nègre que ni moi, ni mon entourage n'a jamais décelé et ne décèlera sans doute jamais. Scandale, excuses publiques et malaise jusqu'à la fin de l'année.
Entre-temps, j'ai eu droit aux "Mamadou" et autres plaisanteries dont je suis censée rire, mais qui me font plutôt pleurer! Oui, je suis sensible, cher lecteur, mais je sens que tu me comprends...

Deuxième année: collège "classe moyenne"; d'entrée de jeu je reçois en guise de cadeau de bienvenue "Bamboula", suivi de "j'adore la banane" (avec un accent Antillais* pour mieux faire passer le message). Nouveau scandale et exclusion du collège pour les fautifs (ou "fils de bip!!!!" dans mon langage, mais nous savons tous qu’un prof digne de ce nom ne s’exprime pas ainsi, voyons !) Les plaisanteries n'ont pas cessé mais elles se sont faites sous cape, sournoisement.

* je ne suis pas Antillaise

Tout ceci fait que je ne me suis toujours pas sentie à ma place entre un bureau et un tableau noir. Mais d'autres facteurs entrent en jeu.

Mon physique déjà.

Ouhlala! Ca devient intéressant?!

Par physique j'entends ma taille, mes jambes, mes fesses, ma bouche, mais aussi ma façon de m'habiller. Et là, je ne suis plus une "bamboula" mais une "salOoooope!". Enième digression, cher lecteur, pour te dire que je préfère de loin être traitée de "salope!" que de "bamboula". En entendant "salope!" à la sortie du collège, j'ai eu le sentiment d'être réintégrée dans la catégorie des humains, de redevenir un être à part entière et plus une bête de foire dont on ne remarque que les différences. Des salopes, il y en a plein les rues, des Noires, des Asiatiques et DES BLANCHES! Salopes sans frontières, unissons-nous! Revenons à nos moutons. J'ai déjà mentionné ici les baskets (Converse all star light OX... oOps, pas de pub!), mais je n'ai pas encore parlé de mes slims ultra moulants, ni même de la jupe-bottes que j'ai osé mettre cette année. Je suscite donc, bien malgré moi, chez l'ado pré pubère une certaine convoitise (la "salOpe" étant l'idéal féminin des garçons de cet âge et même des plus vieux*) et chez mes collègues bienveillants beaucoup de méfiance.


*finalement, je pense que ce "salOooope!" était davatange qu'un paliatif:  c'était un compliment déguisé!! Mais oui, du style: "T'es trop bOnne, Madame!" !

Arriver au collège sans le sacro-saint cartable de prof , ça n'aide pas non plus? Et Ipod vissé aux oneilles... encore moins! Parsemer son discours de "genre", "trop fort" et "c'est clair"... encore pire!  (je précise: en dehors de l'établissement et surtout pas devant les élèves). Faire une séquence sur un film d'ados ou une séance sur "La Revanche d'une Blonde"... genre! ça frise l'inspection, ma chérie!

Je vous l'ai dit, pour être prof, il faut rentrer dans le moule: même langage, même dégaine, même humour et mêmes délires. Une secte, je vous dis! D'ailleurs c'est bien pour ça que les profs se marrient et se reproduisent entre eux! Mais et l'école dans tout ça?! Si l'école est le lieu de socialisation et d'érudition par excellence, ne faut-il pas que le savoir soit divers et varié et que la source de ce savoir soit elle-même éclectique?! Mais nous le savons tous, l'école n'est plus un lieu d'érudition, mais juste une grande crèche pour ados!

(--Tu es bien pessimiste "prOfetalors"!
-- C'est juste que j'ai perdu toutes mes illusions, cher lecteur!")

Heureusement, il existe encore des salles de profs où toutes les composantes de l'Education se mélangent harmonieusement, mes ces lieux sont rares. J'ai trouvé le mien et on m'y a arraché. Mais ne vous emballez pas, voyons! La suite au prochain épisode....

6 mai 2010

des louchées de frustration, quelques pincées de jOie et un soupçon d'aberration


TZR, c'est une fonction dont on hérite sans vraiment le vouloir. On ne le veut pas, tout simplement parce qu'on veut du bien pour soi. On le veut parce que si on ne le voulait pas, il suffisait de se PACSER (même frauduleusement) ou de se reproduire gaiement. En résumé, pour être TZR il faut être soit un psycho-rigide plein d'idéaux ringards, soitun masochiste qui veut tester ses limites.

TZR, c'est la soubrette de l'Education Nationale, avec en plus la frustration d'avoir réussi son concours et d'être Titulaire comme les autres.

TZR, c'est la possibilté de changer d'environnement de travail (de "Zone") du jour au lendemain et de s'y adapter presqu'aussi vite. Sauf, que le TZR, tout Remplaçant qu'il est, est un être humain avant tout. Mais oui! Un TZR est un être sentimental, qui a ses humeurs et ses faiblesses. Oui, oui, mais l'élève, lui, ne pardonne pas ce genre d'écarts. Quand tu es TZR, il faut être opé et vite fait!

TZR, c'est donc le "Titulaire sur Zone de Remplacement", le kleenex qui présente l'avantage d'être réutilisable, en somme!

J'ai hérité de ce statut, bien malgré moi, il y a quelques mois. Toutes mes illusions sur l'enseignement se sont évanouies d'un seul coup. J'ai goûté aux joies des réveils à 04h30 et des trajets de 5h par jour. Mais si ce n'était que ça!

Quand tu es TZR, tu peux dire adieu à la légitimité. Tu tombes dans les baskets d'un autre. Et les baskets, elles peuvent être trop petites, trop grandes et même parfois sentir mauvais. A toi de t'adapter!

Premier remplacement: Début d'année, mais une autre m'avait déjà précédée. Il faut alors rattraper le coup et tenter d'imposer sa méthode, son accent, son physique et ses bizarreries...
Durée: 1 mois 1/2.

Deuxième remplacement: Nouveau collège. Tout est en place. La remplacée a serré la vis et fait régner la terreur. Moi, j'arrive, baskets aux pieds et sourire aux lèvres. L'élève normalement constitué a envie de rattraper le temps perdu et de "se faire la remplaçante". Galère pendant des mois. Lutte acharnée pour faire comprendre que mon "approche de l'apprentissage des langues axé sur le ludique et la réalisation de tâches en fin de parcours séquentiel" (plus connue sous le terme de "cool attitude") est aussi valable que la classique. Mes nouveaux élèves m'en sont reconnaissants mais le témoignent de manière plutôt incongrue: l'indiscpline règne et mon moral flanche. Sang, labeur, larmes et sueur.
Durée: 6 mois.

Je quitte donc le navire avant qu'un troisième remplacement me soit proposé dans le même établissement. L'autorité se nourrit avant tout de la réputation. Je devais partir.

Troisième remplacement: ?

Pas de toisième remplacement pour l'instant. Deux jours après avoir contacté mes supérieurs, j'attends toujours.

TZR, c'est donc des louchées de frustration, quelques pincées de jOie et un soupçon d'aberration!

Vive l'Education!